09/09/2022
Est-il encore possible de créer dans un pays où tout cesse peu à peu de fonctionner ?
Hermès Liban et l’Institut Français ont nommé NAFAS, « souffle vital », le programme de résidences qu’ils ont imaginé pour sortir les artistes et artisans libanais d’une sensation d’étouffement.
Mécènes du Sud propulse deux résidences NAFAS dont le medium dominant sera le métal. Hassan Wehbe, artisan libanais basé à Beyrouth et Ambre Cardinal, artiste designer française habitant Marseille forment le premier binôme.
Nada Zeineh, artiste et artisane franco-libanaise basée à Beyrouth, et Martin Belou artiste français habitant Marseille forment le second duo.
HASSAN WEHBE – AMBRE CARDINAL
Une résidence du 15 septembre au 20 octobre 2022
Hassan Wehbe
[1968] Il vit et travaille à Beyrouth.
Artisan du métal, dinandier, actif depuis plus de 30 ans, Hassan Wehbe maîtrise de nombreux matériaux et de nombreuses techniques pour en faire des objets d’artisanat d’art (théières, plats, lanternes, appliques murales, entre autres…), exposés au Liban comme à l’étranger. Il a notamment créé des pièces pour le palais royal au Qatar. Il est actuellement président du syndicat des artisans libanais.
Ambre Cardinal
[1988] Elle vit et travaille à Marseille.
Le travail de sculpture d’Ambre Cardinal se construit autour du corps en mouvement. Si elle parle de « sculptures de corps », et de « bijoux dans l’espace », c’est parce que les formes en métal qu’elle façonne à la main dessinent le plus souvent des lignes, fines et lévitantes. Celles qui structurent le vide et délimitent notre perception du visible. D’une grande sensibilité poétique et attirée par la question universelle du sacré, elle développe également des installations. Par l’ajout de dimensions immatérielles, elle invite à un état contemplatif. Sons, parfums et couleurs suggèrent une dimension spirituelle dont la sculpture resterait le véhicule principal.
PROJET
C’est la complémentarité des profils d’Hassan Wehbe et Ambre Cardinal qui a scellé leur complicité : le premier met son savoir-faire hors pair au service d’une production foisonnante d’objets domestiques, décoratifs comme utilitaires ; la seconde, formée à l’école des arts décoratifs de Strasbourg et au Royal College of Art à Londres, cherche, à travers l’épuration de la forme, à produire du sens.
Dans l'histoire des civilisations, les métaux ont joué un rôle particulièrement important, grâce à leurs multiples qualités : des matériaux peu fragiles, facilement transportables, durables, des formes aisément duplicables, ainsi que de précieuses qualités de conservation. Ils ont permis de créer des objets liant utilité et esthétique de l’époque pour la vie domestique, la défense, l'architecture et la décoration, jusqu’aux développements industriels de la société de consommation que nous connaissons. L’artisanat du métal nécessite une grande maîtrise technique et un sens de l’innovation. Le feu, qui modifie la couleur du métal, permet et oriente son façonnage. D’apparence froid, le métal est en réalité un formidable conducteur de chaleur.
Le contexte libanais a conditionné les intentions de cette résidence. L’épuisement des réserves de fioul et la pénurie de devises y précipite l’effondrement du réseau public d’électricité. Avec une fourniture d’à peine deux heures par jour, les habitants se tournent vers des générateurs de quartier privé, quand ils le peuvent. Les black-out se succèdent sans aucune perspective d’amélioration. Hassan Wehbe et Ambre Cardinal engageront une recherche poétique autour de la notion de foyer : comment s’éclairer pour y ramener la douceur, le rêve et raviver l’espoir ? Leur collaboration s’orientera vers la création de lampes à huile et bougies sous la forme de mobiles dont les éléments se combineraient à l’envie. La notion d’autonomie et la simplicité d’usage sont deux éléments clés du projet.
L’idée d’un système de vente solidaire germe d’ores et déjà. Il pourrait permettre à chaque achat en France d’offrir une réplique au Liban. Ainsi par un mécanisme de don, à chaque nouveau foyer en France, la lumière se rallumerait dans un foyer au Liban. Créer de tels liens immatériels à travers un objet sculptural d’une remarquable facture artisanale signerait la rencontre d’Hassan Wehbe et Ambre Cardinal.
— Texte : Bénédicte Chevallier