09/09/2022
PRÉAMBULE
Est-il encore possible de créer dans un pays où tout cesse peu à peu de fonctionner ?
Sans équivoque, la réponse est non.
Hermès Liban et l’Institut Français ont nommé NAFAS, « souffle vital », le programme de résidences qu’ils ont imaginé pour sortir les artistes et artisans libanais d’une sensation d’étouffement.
Mécènes du Sud propulse deux résidences NAFAS dont le medium dominant sera le métal.
Hassan Wehbe, artisan libanais basé à Beyrouth et Ambre Cardinal, artiste designer française basée à Marseille forment le premier binôme. Nada Zeineh, artiste, artisane franco-libanaise basée à Beyrouth, et Martin Belou artiste français basé à Marseille forment le second duo.
NADA ZEINEH – MARTIN BELOU
Résidence du 10 octobre au 5 novembre 2022
Nada Zeineh
[1960] Elle vit et travaille à Beyrouth.
Nada Zeineh crée des bijoux en laiton faits main et des objets d’art en série limitée. Deux influences l’inspirent : sa culture moyen-orientale et les formes géométriques abstraites inhérentes à sa formation d'architecte, un métier qu’elle a longtemps pratiqué. Elle a ainsi réalisé plusieurs projets culturels au Liban, comme le Musée de Savon à Saida et le Musée Archéologique de l’Université Américaine de Beyrouth. Ses créations sont pour elle la traduction d’un rêve ou d’un souvenir, issu de la mémoire collective libanaise. On retrouve ainsi dans son travail l’évocation des civilisations gréco-romaine et islamique, de la faune et de la flore.
Martin Belou
[1986] Il vit et travaille à Marseille.
Dans son travail Martin Belou convoque les 4 éléments terre, eau, air, feu. Combinant intuition et maîtrise de certains savoir-faire artisanaux, il crée des installations. Leur dimension performative fait souvent appel aux sens des spectateurs (fumées, senteurs, lumières vives). Elles hybrident sculptures, dessins et matières organiques glanées (champignons, épices, bois, métal, pierre, charbon, par exemple) et évoquent des notions universelles telles que la tradition et la communauté, une dimension humaine qu’il explore dans sa pratique elle-même.
NOTE D’INTENTION
C’est la notion de feu qui a donné l’intuition de réunir Nada Zeineh et Martin Belou pour ce projet. Leur différence générationnelle aurait pu constituer un obstacle sans leur goût prononcé pour les échanges et leur sens de l’altérité.
Martin Belou utilise le feu comme medium, Nada Zeineh pourrait y recourir techniquement mais elle le craint, encore plus depuis l’explosion dans le port de Beyrouth et les incendies qui s’y succèdent. Si la Méditerranée s’impose d’évidence comme un horizon partagé, la montagne est également apparue comme un paysage sensible qui a marqué l’existence de l’un comme de l’autre. Martin y a grandi, Nada s’y est senti sauvée.
Leurs échanges ont fait émerger une constellation poétique autour des idées de nature et de refuge. Ainsi, ils conçoivent leur résidence comme une recherche en mouvement sur la trace d’anciens refuges dont les humains ont laissé la trace et la nature gardé l’empreinte, comme la Grotte Chauvet par exemple. Ils font l’hypothèse que se donner rendez-vous dans de tels endroit, y échanger, pour se relier leur histoire, permettrait de respirer de nouveau. Le feu, dont la domestication a modifié l’évolution de l’homme, élément purificateur par excellence, sera au centre des expérimentations plastiques qu’ils envisagent. Symbolique de la vie et d’immortalité, il sera convoqué pour son potentiel de transformation et de régénération.
Cette résidence s’envisage comme un voyage, qui pourrait se nourrir des vestiges d’une grotte ornée il y a des milliers d’années, des ruines de la cité phocéenne, des traces géologiques d’une carrière d’ocre, comme des travées brûlantes d’une fonderie de métal. Il s’agira d’une rencontre sur le terrain de l’émerveillement, de la poésie, et du dialogue.
Le Domaine du Rayol, manifeste de la pensée de Gilles Clément, permettrait aux artistes de démultiplier les paysages méditerranéens visités. Dès lors que Méditerranée et feu sont les deux ascendants de ce « jardin en mouvement », y travailler amplifierait le sens que Nada Zeineh et Martin Belou souhaitent donner à cette résidence.
C’est naturellement l’idée d’un carnet de voyage qui pourrait constituer la mémoire de cette rencontre, que ce soit par le biais de la sculpture ou du son.
— Texte : Bénédicte Chevallier