05/10/2018
Exposition visible du 14 septembre au 23 novembre 2018. Du mercredi au vendredi de 10h à 12h et de 14h à 18h. Le samedi de 12h à 18h.
Avec : Printemps von Zilw, Louis Danjou / La cuisine sauvage, François Dufeil, Pierre Gaignard, Guillaume Gouerou, Marie Limoujoux, Nelson Pernisco, Basile Peyrade, Cédric Pierre, Célia Richard, Thomas Teurlai, Paul SAIEO.
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L’invitation au Wonder / Liebert inaugure le programme d’expositions « Nos cartes blanches » produit par Mécènes du sud Montpellier-Sète dans l’espace situé au 13 rue des Balances à Montpellier.
Le programme « Nos Cartes Blanches » vise à donner un nouveau rôle au comité artistique de l’association. Le comité artistique est un jury indépendant chargé de sélectionner annuellement les meilleurs dossiers d’aide à la production et de commissariat d’exposition reçus par Mécènes du sud Montpellier-Sète.
Avec « Nos Cartes Blanches », chaque membre sélectionne directement, et à tour de rôle, l’objet de l’invitation à produire une exposition dans l’espace géré par Mécènes du sud Montpellier-Sète. Ainsi, le comité artistique prend désormais part directement à la programmation d’expositions de notre espace, afin d’en nourrir sa singularité.
Mécènes du sud Montpellier-Sète confie la première carte blanche de son programme à Ingrid Luquet-Gad, critique d’art, qui a sélectionné le Wonder / Liebert, espace de création contemporaine qui s’installe dans des friches industrielles de manière temporaire (2014-2016 : Wonder, Saint-Ouen, ancienne usine de piles / Liebert, Bagnolet 2016-2018, ancienne usine de batteries).
Mécènes du sud Montpellier-Sète voit par là une proposition de dialogue entre le collectif d’entreprises mécènes favorisant la création artistique sur leur territoire et le Wonder / Liebert, qui n’a de cesse depuis sa création d’interroger le devenir des lieux de productions industrielles situés en lisière de ville.
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Une ville en banlieue, une ville dans la ville, une ville à l’échelle d’un bâtiment. Le Wonder/Liebert est tout cela.
Le Wonder/Liebert n’est pourtant pas une ville, mais bien un collectif mobile qui essaime de toutes parts.
Un artist-run space, pour reprendre un terme en vogue et néanmoins le seul à mettre le doigt sur une réalité sociologique: celle de l’auto-organisation d’artistes qui décident d’inventer l’économie de production, les formes de sociabilité et les conditions de monstration qui leur conviennent le mieux.
Le phénomène dit beaucoup de la redéfinition des structures qui secoue actuellement le monde
de l’art français. Les modèles centralisés et les instances de validation grippées qui tenaient jusqu’ici le haut du pavé se voient désormais débordés par une lame de fond, celle de modèles alternatifs inspirés des artist-run space du monde anglo-saxon ou les Kunstverein de nos voisins germaniques.
C’est un fait, la scène artistique parisienne se renouvelle par ses marges indisciplinées, une nébuleuse jeune, internationale et au-delà du périphérique.
Le Wonder/Liebert y occupe une place incontournable et pourtant ne s’y réduit pas. Après trois ans passés entre les murs de l’ancienne usine Wonder à Saint-Ouen, un noyau dur de neuf âmes créatives en investit d’autres, ceux de la tour Liebert à Bagnolet. Ils y passeront un an et demi, de février 2017 à juin 2018. Au Wonder/Liebert, il y a d’abord l’organisation interne de l’occupation et de la gestion
du bâtiment, de ses ateliers, ses studios de musique, ses machines, sa galerie d’exposition, sa résidence
internationale, sa cantine et son bar. Un ilot donc, dressé en hauteur depuis l’interzone de l’outre-périphérique parisien; mais également un hub connecté avec les milieux de l’art, de la musique et
des scènes alternatives proches et lointaines.
C’est d’abord l’architecture des cinq étages du Liebert qui fait venir l’évocation de la ville. Mais la ville c’est aussi une référence plus métaphorique, entraînant des associations avec la post-ville, la néo-ville, celle d’un futur proche mais semi-utopique qui se laisse aussi mal attraper dans les rets du concepts
qu’une constellation de jeunes artistes. Il n’empêche que l’évocation que distille Rem Koolhas dans son livre Junkspace (2011) des réseaux la Ville Générique fait mouche. «La densité dans l’isolation», telle serait selon lui la caractéristique des bâtiments de la ville moderne, où s’invente à l’échelle d’un gratte-ciel un modèle de sociabilité autonome et pourtant en interconnexion permanente avec d’autres bâtiments semblables à l’échelle du globe. On retrouve l’esprit du Wonder/ Liebert, dont les noms des deux lieux d’occupation successifs sont restés par sédimentation pour désigner le collectif, quand bien même celui-ci ne les occupe plus.
Déplacer le Wonder/Liebert à Montpellier, le rendre non pas nomade mais l’attacher temporairement à une autre écologie s’est alors imposé comme une évidence. On se doute que dans les revers de vestes et les ourlets de pantalons des artistes subsisteront quelques graines d’herbes folles du parking de Bagnolet. Qu’il faudra faire de l’espace de Mécènes du sud une nouvelle terre où les faire croître, etsans doute inventer aussi de nouvelles manières de le faire. Inviter le Wonder/Liebert, c’est aussi déplacer les termes mêmes de ce vers quoi doit tendre l’art: non pas produire mais s’interroger sur comment produire; non pas exposer dans un lieu mais ériger l’occupation et l’être-présent en fin. Dans cette optique, le monde de l’art reste un noyau, mais un noyau dont on cultive intensément les potentiels de croissance – ces frondaisons, racines et rhizomes qui ne manqueront pas de pousser, si tant est qu’on leur en donne le temps et l’espace.
Ingrid Luquet-Gad